S’expatrier, et après ?

Après presque trois ans d’expatriation en Italie, le retour en France est prévu dans quelques semaines à peine. Si c’est un choix de ma part, notamment pour des raisons professionnelles (comme je l’expliquerais plus longuement dans un article sur les conditions de travail en Italie), ça n’est pas moins difficile à affronter. On ne peut pas considérer (et heureusement ! ) une expatriation comme une parenthèse avant de reprendre le même train de vie qu’auparavant. Ayant énormément changé pendant cette expérience, je sais que ce retour ne sera donc pas sans difficultés de réadaptation.

Dans cet article, je partage ce que j’ai peur d’abandonner et mes principales craintes concernant ce retour…

Ciao l’Italie… Ciao l’italien ?

Une des choses dont je suis le plus fière depuis mon expatriation, est de pouvoir m’exprimer oralement dans trois langues sans difficulté. Ayant côtoyé un environnement multiculturel, j’ai pratiqué l’italien aussi bien que l’anglais et le français. Moi qui n’étais pas capable articuler deux phrases cohérentes à la suite en une langue étrangère, je considère cela comme ma plus grande réussite. Mais elle a été facilitée par un quotidien qui ne me laissait pas le choix. Revenir à une normalité française me fait peur car s’il a été long et compliqué d’arriver à ce résultat, il ne fait aucun doute que je suis capable d’oublier de manière très rapide.

L’abandon du confortable »Sorry I don’t understand « 

Une des choses à la fois la plus énervante et la plus commode est le fait d’être dans un pays ou de nombreuses situations m’échappait. Que ce soit du fait de la langue, des traditions ou encore des méthodes de travail, il m’est parfois arrivé de ne juste rien comprendre à ce qui se passé autour de moi. Si cela à pu être le fruit de nombreuses frustrations, il est aussi agréable pour la control freak que je suis d’apprendre à se laisser aller, à compter sur les autres pour s’en sortir et à ne pas se poser trop de questions.  Par ailleurs, il est très agréable de feindre l’incompréhension linguistique pour se dédouaner lors d’une dispute de couple comme lors d’une situation professionnelle tendue. Le fait d’être plongé dans un environnement ou la langue parlée n’est pas la mienne m’a aussi permis de me protéger des paroles blessantes ou de discours que je ne voulais pas entendre. Les paroles n’ont pas le même poids selon la langue dans laquelle elles sont prononcées et quelque chose qui aurait pu me faire bondir en français me fait à peine sourciller en italien. Et si je ne me sens pas d’humeur à entendre certains discours, il n’y a rien de plus facile que de cesser d’écouter dans une langue qui n’est pas la tienne. 

Le monde du travail français : un environnement idéalisé ?

Mon expérience dans le monde du travail en Italie ayant été parsemée d’embûches, j’ai eu tendance à prendre pour modèle la France pour mieux critiquer l’incompétence de mes anciens lieux de travail :

«On est mieux payé », « C’est pas qu’on est mieux organisé, c’est jusque qu’on l’est», «  si tu trouves pas de taf l’état te laisse jamais dans la merde »…

Bref, mon pays m’est apparu comme le paradis du salarié heureux, le havre de paix du patron magnanime. Pourtant je l’ai quitté ce pays, et en grande partie à cause du « bore out », ce phénomène d’ennuis tellement intense dans le cadre professionnel que l’idée d’aller travailler me faisait fondre en larmes. J’ai sans doute justifié les difficultés que j’ai eu dans mes emplois en Italie par une espèce d’incompétence à travailler, quand il s’agissait en fait d’un  concours de circonstance lié au manque de moyens humains et financiers. Me heurter de nouveau au monde du travail en France va peut-être faire voler en éclats mes convictions d’un futur professionnel plus  avenant dans mon pays.

Le retour de la pression sociale à la française : Faite des gosses !

Ma venue en Italie à eu un effet auquel je ne m’attendais pas du tout : ma déculpabilisation totale de ne pas être dans la norme de la société, à savoir : ne pas avoir le CDI, les gosses et la maison à presque 30 ans. Je n’ai rencontré aucun italien.ne de mon age remplissant ces critères et ça m’a fait un bien fou. Personne ne te demande quand est-ce que tu finiras ta crise d’adolescence pour te remettre dans le droit chemin et donner enfin ta contribution à la société. Ici j’ai rencontré des italien.ne.s de 28 ans encore à l’université, ou bien sans emploi vivant encore chez leurs parents, et c’était normal. Alors qu’en France tu es considéré comme un Tangui si tu n’as pas pris ton indépendance à 23 ans, ici c’est quasiment impossible. Il est vrai que cette réalité cache une très grande difficulté à s’intégrer dans le monde du travail, empêchant de nombreux jeunes à se projeter à long terme à envisager une vie de famille. Mais en pleine rupture après 8 ans de relation, il a été libérateur de me trouver dans un pays ou ma situation de célibataire en collocation et contrat précaire soit d’une normalité affligeante n’inspirant à aucun moment la pitié ou l’incompréhension. Revenir en France, avec 3 années en plus dans la tête ne sera pas chose facile et je ne suis pas très enthousiaste à côtoyer de nouveau la pression sociale à rentrer dans le rang.

Wait and see…

Alors ce retour… Juste une angoisse ? Je dirais qu’il équivaut pour moi à un nouveau départ en terre (quasi) inconnue. Je vais certes rentrer dans un environnement qui m’étais fammilier mais qui a changé, tout comme moi, et qui me demandera un bel effort de réadaptation. Mais malgré ces craintes bien présentes à l’heure où je vous pars, rien n’entrave mon envie de revenir et de consacrer toute mon énergie à ce nouveau défi !

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